10 Février 2016
Tension noire
J’ai toujours aimé les armes à feu. Surtout avec le bruit du silencieux. Je m’interroge régulièrement sur le modèle que je pourrais posséder. Maniable, pas trop lourd.
J’imagine passer le balai à coups de .38. Devenir tueur à gages, en faire un métier, gagner de l’argent. Etre engagée et désirée comme une actrice, minuter des scènes et contrôler la chute. Evidemment tirer, c’est viser. Centrer. Une photo. Défilent ces images en noir et blanc, imaginaires sans doute, où je crois voir du Moriyama. En tout cas je vois le Japon en feu, les maisons détruites. La bombe.
Marcher dans la fumée, tenace, avec un but, parce que la vie c’est long quand on y est perdu, qu’on ne sait pas quoi en faire. Ne te pointe pas devant moi. Ne me cherche pas. Je tire.
Je l’entends dire : c’est un substitut phallique les armes. C’est possible. Je n’ai rien lu là-dessus, je ne parle pas des terroristes. Les gens ne comprennent pas la douceur de l’arme dans la main, l’équilibre, cette tension noire. Voyez, ce n’est pas le pouvoir : c’est doux, c’est tendre, ça se caresse comme un sexe.
Je ne prends pas la vie. Je m’en fous de la vie. C’est la mort qui est belle. Le silence. Les yeux fermés. Les membres tordus. C’est à cet art-là que je tends. Des scènes étendues, étirées, le tempo sans couleur. Je vois le film, le négatif comme autrefois, impressionné de rouge en noir. La mort est belle en noir et blanc.
initialement publié sur le blog de Marie Noëlle Bertrand début février, dans le cadre des vases communicants http://ladilettante1965.blogspot.fr/